Femmes robots et cyborgs sexy

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Ghost in The Shell

Si, pour vous, l’animation japonaise, c’est des robots et filles avec des flingues, vous n’avez pas tout à fait tort. Si vous ajoutez à cela que les robots sont des bombasses ultra sexy, vous décrirez pas mal de séries de science-fiction. Mais pourquoi cette obsession des japonais pour les héroïnes cyborgs ou robotisées ? A travers les lignes de cet article nous essayerons d’y répondre.

Tout d’abord, on peut se demander pourquoi les japonais vouent un tel intérêt pour les machines avant de se demander pourquoi ces engins possèdent des traits féminins. La réponse réside peut-être dans le fait que l’après-guerre a été marquée par une relative méfiance envers les hommes qui ont démontré qu’ils été capables des pires atrocités  et une confiance en la technologie qui a permis le formidable essor économique du Japon.

C’est simple, le héros d’anime le plus emblématique de cette ère est bien sûr Astro, petit robot au grand cœur atomique. Il est le symbole que ce n’est pas le progrès technique qui est néfaste mais l’usage qu’en font les hommes. A côté de ce personnage positif, d’autres robots apparaissent, recréant toute une famille sous la forme de machines intelligentes

Ainsi Astro a une petite sœur robot. Mais la première femme robot à posséder une large audience est Cutey Honey. Pas de doute, elle a des arguments plus que volumineux pour convaincre le public. A sa suite on peut dénombrer bien des héroïnes robotisées ou cybernétiques.

Du cul ! Du cul ! Du cul !

Pourquoi il y a autant de filles robots ou cyborgs dans le manga et l’anime ? Plusieurs réponses sont possibles. La première est que le public de S.F est assez majoritairement masculin, et que pour l’attirer, rien ne vaut les bonnes vieilles recettes.

De jolies filles plus moins dénudées. Et comme beaucoup d’auteurs appartiennent également au genre masculin, il est assez évident qu’ils apprécient de mettre en scène leurs propres fantasmes, leur idéal féminin. Quitte à dessiner le même personnage sur 400 pages, autant que ce soit une figure agréable à l’œil.

Lorsque l’on voit les poses suggestives du major Kusanagi dans Ghost in the Shell de Shirow, on ne se pose pas trop de question sur les motivations du mangaka quant au sexe de son personnage principal. Dans le second volume, tous les prétextes sont bons pour présenter l’héroïne dans des angles de vue improbable qui permet au lecteur de profiter de la plastique incroyable de notre cher major. En outre, les divers câbles qui la relient à des machines ne sont pas sans évoquer les tentacules d’un certain Urotsukidoji et autres hentai.

Et qui dit gros flingues dit élément phallique, mais vous voyez de quoi il s’agit. Si ce n’est pas le cas, plongez-vous dans Cutey Honey de Go Nagai où les délires visuels à l’esthétique plus ou moins sadomasochiste abondent. La seconde cause de l’importance des femmes robots et cyborgs est peut-être liée à l’origine même du robot. Le terme désigne initialement une machine qui aide l’homme et effectue le travail pénible à sa place. Ce rapport de force et de domination entre l’humain et la machine évoque celui qui lie l’homme et la femme ; elle est traditionnellement considérée comme l’être soumis à l’autorité du père puis du mari.

Le fait que les premiers personnages de robots dans la littérature soient des femmes vient en quelques sortes confirmer l’idée. Ainsi dans l’Homme au sable d’Hoffmann, le héros tombe amoureux d’une femme robot créée par le savant fou Coppélius. Dans l’Eve future de Villiers de l’Isle Adam, un Edison fictif fabrique pour le compte d’un jeune lord anglais un robot qui est la copie conforme de la femme aimée, la bêtise en moins.

Ces détails vous semblent superflus et sans rapport avec le manga et l’anime, mais devinez comment se nomme la série du robot devenu fou dans le début d’Innocence de Mamoru Oshi ? Hadaly, prénom que porte la femme robot dans l’Eve future. La référence au roman français est d’ailleurs explicite et apparaît dans une citation au début du film. D’autre part, le thème de l’amour entre l’homme et la machine qui apparaît dans l’Homme au sable est assez généralement repris dans les récits et films de S.F.

Aux limites de l’humanité

Les thèmes abordés dans les mangas et les anime restent assez traditionnels. Parmi les stéréotypes récurrents, on trouve  celui du robot remplaçant un être cher. Au cinéma, ce stéréotype apparaît par exemple dans Blade Runner. Rachel est ainsi un être artificiel crée à l’image de la fille défunte du créateur des répliquants.

Elle possède des implants de souvenirs afin de développer une mémoire affective lui donnant des émotions très proches de celles qu’aurait pu avoir la véritable Rachel. Elle ne sait pas qu’elle est un répliquant, ce qui la rend d’autant plus crédible en tant qu’humaine. Dans de nombreux manga et anime, à la suite d’Astro, la créature artificielle sert à remplacer l’humain décédé. Après la mort de sa fille, le professeur Kisaragi crée un androïde, Honey, à l’image de celle-ci.

C’est aussi le cas dans Métropolis. Red Duke est à l’origine de la création de Tima, une cyborg dont la seule partie vivante est le cœur qui appartient à sa fille défunte. Dans Armitage III, on découvre grâce à une photo que l’héroïne éponyme possède les traits de la fille du créateur des cyborgs de 3e génération. Dans Chobits, Kokubunji est un petit génie de l’informatique qui a crée le robot Yuzuki à partir de ses souvenirs de sa sœur.

Il a beau savoir qu’elle n’est qu’une machine, il y tient comme si c’était vraiment sa sœur. L’autre grand stéréotype est le robot à usage sexuel qui devient fou ou qui cherche à se rebeller. Dans le début d’Innocence, c’est une femme robot à usage sexuel qui devient fou et tue tout le monde. Dans Bubblegum Crisis, cinq robots également désignés comme des sexaroïdes s’échappent d’une station spatiale pour essayer de vivre librement.

Deux d’entre elles parviennent presque à trouver une vie normale et se lient d’amitié avec les héroïnes qui les croient humaines. Dans AD Police, un robot qui a été trafique pour servir d’objet sexuel se met à tuer. Le héros le met hors service, mais il n’est pas totalement détruit. Les pièces détachées servent à trafiquer un autre robot qui devient fou à son tour et recherche le héros pour qu’il finisse son travail, qu’il le détruise complètement car il ne supporte plus d’être un objet sexuel. Toujours dans cette série, le stéréotype est inversé dans le second épisode.

Ce n’est plus un être artificiel servant d’objet sexuel qui commet des crimes mais une femme devenue volontairement un cyborg qui tue des prostituées humaines. Dans tout les cas, la question sous-jacente est bien sûr ; qu’est ce qui distingue  l’humain de la machine ? Le rapprochement  de l’homme et de l’artificiel grâce à la cybernétisation contribue à brouiller les frontières. Dans le manga et les anime, cela apparaît  notamment à travers le thème des relations amoureuses.

Dans Chobits, Shimizu a ainsi perdu toute confiance en l’homme depuis que son mari l’a délaissée au profit d’un robot. Ce questionnement sur les limites de l’humain et de l’artificiel est souvent lié à une sorte  de réécriture du conte de Pinocchio ou de Pygmalion si vous voulez une référence à la mythologie grecque pour faire plus chic.

La marionnette ou la statue prend vie en tant qu’être humain. En gros, si l’on transpose l’amour rend la machine humaine. Au début d’Armitage, le héros humain déteste les robots et à la fin, il tombe amoureux de Naoki et lui fait même un enfant. Dans Chobits, le lecteur peut se douter que l’amour de Hideki rendra humaine Tchii. Dans Key the metal idol, c’est l’amour des fans qui la métamorphosera en femme.

Dans Hand maid May, c’est l’amitié des autres maids et l’amour du héros qui permettent au robot de retrouver ses souvenirs et d’accéder à une certaine forme d’humanité. D’autres formes d’interrogation sur la part d’humanité et d’artificiel apparaissent dans les réflexions du major Kusanagi. Ce qui est intéressant dans les mangas et les anime, c’est surtout le traitement graphique, plus que les questions soulevées qui sont en fait assez traditionnelle dans la science-fiction.

Destruction et beautés

La femme robot ou cyborg permet aux dessinateurs d’allier dans une même image l’idée de douceur et d’innocence de la femme à celle de puissance destructrice de la machine. Il y a ainsi plusieurs héroïnes robots ou cyborgs  qui se révèlent être des guerrières redoutables derrière l’apparente délicatesse de leur corps. C’est le cas de Mahoromatic, Larme ultime ou Gummn.

La fragilité humaine fait ressortir le caractère froid et implacable de la machine de guerre. Les séries diffèrent au niveau du ton employé pour mettre en scène ce type de personnage paradoxal. Dans Mahoromatic, le fan service et l’humour viennent alléger l’ambiance tandis que dans Larme ultime, le pathétique domine dans toute la série.

On peut se demander à la suite de Donna Haraway si le cyborg ne permet pas de faire éclater les différences entre les sexes pour définir un nouveau type d’humanité. Cette critique qui a énormément inspiré les récits de S.F est d’ailleurs évoquée dans Innocence. C’est le nom du médecin légiste du début du film. Dans la  majorité des mangas et anime, le fait de faire de la femme robot/cyborg le personnage principal n’est toutefois pas un moyen de revendiquer un meilleur statut pour la condition féminine.

Les récits de Maids mettent ainsi en scène le fantasme de bien des adolescents frustrés devant leur ordinateur ou leur console de jeux. La machine avec qui ils passent le plus clair de leur temps se met en quelque sorte à vivre au travers de la femme robot et à satisfaire tous leurs désirs. Même dans Ghost in the Shell, qui semble très profond au niveau de la réflexion sur l’homme et la technologie, le major Kusanagi est toujours filmé d’une façon particulière, mettant en valeur sa plastique irréprochable, comme pourrait le faire un regard voyeur masculin.

De plus sa fusion avec le puppet master reproduit l’union hétérosexuelle ce qui n’a rien de subversif. A la fin du film, la nouvelle entité est d’ailleurs transférée dans le corps d’une petite fille comme pour mieux signifier qu’elle une enfant née de deux parents.

La femme robot/cyborg reste ainsi liée à la fonction de reproduction. Les stéréotypes sexuels ne sont pas détruits. Ils sont au contraire réactivés, voire renforcés. La seule héroïne à dépasser les stérotypes sexuels est sans doute Gally dans Gummn. Au fil des volumes, relativement peu de place est faite à sa vie amoureuse et ce n’est pas ainsi qu’elle s’accomplit. Elle est pleinement elle-même lorsqu’elle combat. Lors des compétitions de motorball, elle demande d’ailleurs pourquoi on lui a donné des attributs féminins alors qu’un corps masculin aurait été plus efficace.

Loin d’être l’occasion d’une nouvelle définition de l’homme dégagé des préjugés sociaux, la S.F à travers la figure de l’héroine robot/cyborg tend à réaffirmer les différences de genres.

 

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