Bambi

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Deux films majeurs d’avant-guerre (avant 1945) issus des studios de Walt Disney se soldèrent par deux terribles échecs commerciaux : d’un côté nous avons Fantasia qui fut trop en avance sur son temps, et Bambi, joli plaidoyer anti-chasse.

Promenons nous dans les bois

Idéalisation de la nature, chère au maître du dessin animé américain, ou résignation autobiographique à la cassure familiale provoquée par la mort des parents ; Bambi est sans doute pour ces deux raisons le plus attendrissant, le plus drôle et le plus captivant des films de Walt Disney. Au sommet de son art, le récit stylisé de l’apprentissage de la vie par un jeune faon innocent, en proie à la cruauté du chasseur et au rôle patriarcal que son rang de prince lui destine, est, disons le franchement, l’un des meilleurs Disney avec les chefs d’œuvres que sont Blanche-neige et Pinocchio.

Le scénario remarquablement ficelé de cette adaptation réussie du livre de Félix Salten propose un habile compromis entre la tragique de l’œuvre originale et la comédie riche en émotion, comme le veut la recette de ce diable d’oncle Walt. Toutefois, ici, tout prête à éliminer la moindre supposition de gratuité puérile : un aspect contemplatif de la nature, implacable argument écologique, une fluidité d’écoulement de l’action au rythme des saisons formidablement accompagnée par la musique de Franck Churchill compositeur de Love is a song et Little april shower, deux morceaux aux doux relents beethoveniens.

Une lumière rarement égalée dans des longs métrages du studio et quelques anecdotiques élans comiques qui frôlent le génie. En particulier la séquence évoquant la résignation des personnages, devenus pubères aux charmes féminins. Mais ce qui constitue, semble-t-il, la grande prouesse de ce film, est la puissante évocation de la présence humaine signifiée par quelques subtiles ellipses visuelles comme les vols d’oiseaux, la meute de chiens ou sonores comme les détonations ou les silences musicaux. Le scénario originel de Ralph Wright envisageait pourtant la fameuse scène de la mort de la mère de manière plus explicite. Elle fut retirée du storyboard final. Cependant, l’extraordinaire suggestivité de la séquence du film en fait presque une scène subliminale et l’impact sur le spectateur n’en est que supérieur. Une conclusion moraliste prévoyait, dans le même esprit, la mort accidentelle d’un chasseur mais l’influence de Disney imposa la disparition de cette idée. Un tic de scénario hollywoodien dont les descendants du grand chef ne se privèrent, et ne se privent encore, que trop peu.

Bambi est en cela un film exceptionnel, car il combine parfaitement l’ambition d’un réalisme stylisé avec un pouvoir évocateur extrêmement fort. Nul étonnement n’est donc permis au regard des réalisations postérieures se réclamant de l’influence de cette œuvre majeure de l’animation. Citons pèle-mêle la lignée des longs métrages animés du studio Disney qui ont pris, plus ou moins implicitement, quelque chose à Bambi. En passant par quelques fameuses réalisations européennes, reconnues ou non, comme le film de John Halas : La Ferme des Animaux, ou celui de Paul Grimault : Le Roi et l’Oiseau ou encore celui de Bruno Bozetto Allegro : Ma Non Troppo, sorte de parodie de Fantasia où les allusions au bestiaire Disney sont plus qu’évidentes. Sans oublier l’oeuvre de Youri Norstein intitulé Le Hérisson dans le Brouillard qui est une sorte de contradiction au manichéisme du long métrage d’animation américain. Du côté japonais, les fondements et sommets de l’animation japonais sont nés sous l’impulsion d’Osamu Tezuka, repris et magnifiés par Hayao Miyazaki. Notons au passage, qu’au risque d’être rapidement taxé de formalisme, on pourrait même déceler dans les grands yeux bleus de Fleur, le putois qui fut à l’origine de l’une des grandes caractéristiques graphiques du dessin animé nippon !

Fleur @ Bambi

Fleur @ Bambi

 

L’esprit de la forêt

En 1942, la poésie s’installe dans un long métrage d’animation populiste et mercantile, en suscitant une adhésion discrète, unanime et surtout durable de la part du public et de la profession. Car un dessin animé a rarement retranscrit aussi bien l’humilité obligatoire de l’homme face à la nature.
L’oncle Walt, dès le démarrage du film, revendiquait le mariage du réalisme et de la stylisation de rigueur dans ce type de dessin animé. D’un point de vue formel, le personnage de Bambi illustre à lui seul ce juste équilibre entre la fidélité physionomique de l’animal et la caricaturisation mesurée, indissociable d’un récit rendu universel grâce au cinéma, alors qu’il n’était destiné à l’origine qu’aux enfants lettrés. Sous un angle plus technique, le recours à divers procédés expérimentés sur des films antérieurs, provoque une quasi-perfection dans la crédibilité des ambiances bucoliques de la moindre scène.

La célèbre et anachronique caméra multiplane octroyant plusieurs niveaux de décors est exploitée pleinement, au-delà de la traditionnelle séquence d’ouverture. De manière parfaitement justifiée, celle-ci accompagne en effet, à de nombreuses reprises, le regard du spectateur au plus profond du jardin secret des animaux. Les décorateurs du film, fortement imprégnés du travail de l’illustrateur Tyrus Wong dont la sensibilité artistique orientale dévoile une maîtrise de l’espace et de la lumière inspirant le respect, sont arrivés au compromis graphique qui sert au mieux le rythme de l’histoire, en laissant une large amplitude aux ébats des acteurs, ainsi en toute liberté. Cette inspiration est poussée à son paroxysme dans le combat des mâles en rut en contre-jour ou en ombres chinoises. Quel meilleur exemple de virtuosité chromatique que la puissance émanant de la terrible séquence de l’incendie ; l’incarnation du mal, où les couleurs de l’automne deviennent progressivement couleurs de destruction. Des effets spéciaux manuels, mais hyper-réalistes comme la pluie, le vent, les feuilles, la neige, tous frôlant la perfection des effets numériques actuels ou bien encore la mise en scène haletante, le découpage rythmique complétant l’action, poussent les spectateurs au sommet de son implication dans un film d’animation.

A la lisière du bois

Bambi, sixième long métrage d’animation Disney aurait normalement dû être le deuxième juste derrière Blanche-Neige. Walt Disney avait entamé le projet d’adapter cette œuvre dès 1935, juste après son premier long-métrage de Blanche-Neige et les Sept Nains. Or, hélas, il sera retardé pour plusieurs raisons et Pinocchio, Fantasia et Dumbo passeront avant. Malgré tout, Bambi reste à ce jour une œuvre culte et populaire, un succès critique ou symptomatique de la production Disney tant il contient la presque totalité des canons admis de l’esthétisme du dessin animé pour enfant. Un must à voir et à revoir absolument !


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Nico

Auteur des articles, c'est une vraie encyclopédie à lui tout seul ! Passionné de BD, mangas, japanimation, depuis sa plus tendre enfance. Biberonné dès son plus jeune âge par les émissions jeunesse comme Récré A2 et le Club Dorothée. Voulant faire profiter le public profane autant que les experts, notre auteur a toujours eu à l’esprit de transmettre son savoir encyclopédique sur les dessins animés, au plus grand nombre. Son anime préféré n’est autre que Neon Genesis Evangelion du studio Gainax, qui reste pour lui une œuvre charnière, dans le sens où elle lui permit de découvrir l’immensité de l’univers du dessin animé japonais.

1 réponse

  1. 15 juillet 2017

    […] longue tradition de films d’animation mettant en scène des animaux comme ce fut le cas pour Bambi. Mais les studios de l’oncle Walt se lancent sur un terrain déjà bien exploité avec le […]

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