Podcast – Comment faire des dessins animés

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Sommaire du podcast :

  • Présentation de notre notre invité spécial : Benjamin Cerbai – dessinateur / youtuber.
  • Partie 1 : Les différentes étapes et techniques de réalisation d’un dessin animé.
  • Partie 2 : Comment débuter ? Quels sont les outils ? Conseils de lecture et vidéos Youtube de Benjamin Cerbai.

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Manu : Alors Benjamin Cerbai… Les dessins animés… Tu es tombé dedans quand tu étais petit ?

Benjamin Cerbai : En gros oui !

M : Est-ce que tu pourrais te présenter à nos auditeurs s’il te plaît ?

BC : Je suis BC, j’ai 20 ans, je suis passioné de dessin et de création en général. Le dessin, souvent on me demande quand est-ce que j’ai commencé, j’ai jamais arrêté, j’ai commencé le dessin quand j’étais tout petit. Ensuite j’ai continué à dessiner tout simplement et je suis passé par différentes étapes : je savais que je voulais faire du dessin tout simplement. Ensuite je voulais faire de la BD parce que j’ai découvert qu’on pouvait raconter des histoires avec des dessins. Et petit à petit, j’ai découvert qu’il y avait des gens derrière les dessins animés que je regardais, avec des équipes qui les créaient et des artistes qui les concevaient. Et je me suis dit que c’était le mix parfait qui réunissait tout : cinéma, scénario, illustration, dessin.

Je me suis dit que c’était ça que je voulais faire en fait.

M : Donc, tu as ensuite suivi des études d’art ?

BC : En fait, après le BAC j’ai fait les beaux arts pendant 3 ans. Ca s’est fini il y a quelques mois avec le « diplôme national d’arts plastiques ». Durant, la formation j’étais pas spécialisé en animation il n’y avait pas de cours pour apprendre l’animation c’était plus global que ça avec plein d’ateliers différents mais j’ai quand même choisi un module de cinéma / animation et j’ai pu réaliser un court métrage d’animation qui mélait animation avec des prises de vues filmées. J’ai toujours appris de mon côté avec des livres ou des tutoriels en faisant mes propres films à part également.

M : Actuellement tu travailles pour une société ?

BC : Oui, je suis chargé de communication à Tvpaint developpement. C’est un des grands logiciels pour faire du dessin animé en 2D. C’est justement la chaîne et les films que je faisais à côté qui m’a permis de trouver ce travail là. En 2ème année d’école d’arts on est obligé de faire un stage et je cherchais un stage et comme j’habite en Lorraine j’ai tapé « animation en Lorraine » et je suis tombé sur ce logiciel qui n’est pas américain, connu et créé près de chez moi ! Ca m’a fait bizarre quand j’ai découvert ça. J’ai postulé chez Tvpaint en leur disant que je voulais m’intéresser à ça parce que je suis un passioné d’animation et maintenant je suis employé chez eux. Je ne fais pas d’animation parce que on ne créé pas de films. On avait fait un court métrage pour s’essayer à ça pour développer éventuellement dans le futur. Mais on développe et on vend plutôt l’outil plutôt que de faire des films avec. On est la société de dévelopement qui conçoit le logiciel et qui le commercialise.

Au sein de la société je ne suis pas artiste en tant que tel, je fais plutôt ma pratique artistique à côté. Dans cette société, je dois communiquer autour de l’animation je dois me renseigner sur les films qui sortent, je dois faire des vidéos sur le sujet, en faisant des tutoriels pour expliquer comment utiliser le logiciel. Les films on ne les fait pas en tant que tel, j’en réalise moi-même de mon côté.

M : Est-ce que les tutoriels que tu fais sur ta chaîne youtube sont en relation avec ton travail ?

BC : Non pas vraiment, c’est justement parce que je fais des vidéos de mon côté que j’ai été amené à faire des vidéos de façon professionnelle chez Tvpaint. Mais j’aurais continué mes vidéos quoi qu’il en soit séparément.

M : Merci BC pour ta présentation. On va parler un peu de théorie maintenant. Je suppose que nos auditeurs connaissent bien les différents types de dessins animés : les animes, les Disney, etc. Mais d’après ce que tu m’avais dit, ces dessins animés ne sont pas réalisés de la même façon.

BC : Oui, en fait si on parle d’animation 2D c’est globalement le fait de faire dessin après dessin la création des mouvements avec plus ou moins d’images par seconde. Ca c’est une des façons d’animer en 2D mais même dans l’animation 2D il y a différentes méthodes.

Il y en a une que je n’aime pas trop parce que visuellement c’est pas vraiment charmant : c’est l’animation « cut out » ou bien « vectorielle ». Au lieu de faire un dessin puis un autre pour les enchaînés, c’est comme si tu avais une marionnette dessinée avec bras, jambes et tête que tu faisais bouger. Ca donne un côté trop fluide et mécanique, personnellement je n’aime pas vraiment ce genre de méthode. Je préfère quand on sent la main de l’artiste derrière, les feuilles qui se tournent pour animer.

M : Comme pour les anciens Disney par exemple…

BC : Oui, mais même les Disney en 2D d’avant étaient quand même assez lissés parce que si vraiment on voulait savoir comment ça se construit avec les making of en tapant « making of » et le nom du Disney vous verrez les animateurs travailler sur les dessins et ça a un aspect très différent de ce que vous voyez au final dans le film parce qu’ils vont travailler les esquisses dans l’animation, les pauses clés qui définissent tous les mouvements. Si tu as un personnage qui bouge son bras, on va voir le bras à la poses A (levé) et le bras à la poses B (baissé). Et entre ces deux poses, il y a des images intercalées qui vont lisser le mouvement. C’est pas forcément le même artiste qui le fait, souvent l’animateur principal va juste faire les poses clés et faire en sorte que le mouvement fonctionne et il y a une autre personne chargée de réaliser les dessins intercalées entre les images clés et ensuite une autre personne sera chargée de dessiner pour ancrer les images puis une autre pour coloriser.

C’est ça la magie des dessins animés, quand l’animateur va vraiment faire tourner ses feuilles, que l’on va voir le dessin avec ses imperfections pour avoir les esquisses, les traits, les marques, etc. Et pas quand on voit la chose lisse à la fin.

Nico : Dans l’animation japonaise, la personne chargée de faire les dessins entre les poses clés sont des intervalistes. C’est le poste le plus détesté dans le monde de l’animation, c’est un poste très ingras.

BC : Oui, on a les intervalistes mais il y a aussi ceux qui font le clean up, c’est à dire ceux qui vont repasser les traits pour faire des lignes les plus justes possibles, c’est vraiment du travail précis, trait par trait. Je pense que oui, c’est ça qui serait le plus agançant pour moi si je le faisais tout le temps.

M : C’est un travail de titan ! Combien d’images faut-il pour animer une seconde d’un dessin animé.

BC : Ca va dépendre de la fluidité globale du format de ta série. Je sais que par exemple, dans les les Disney « classiques » il y a au moins 12 dessins par secondes. Donc 12 vrais dessins qui s’enchaînent. Parfois, c’est plus selon le mouvement. C’est un peu difficile de le dire sans images, mais au plus on va avoir de dessins qui vont s’enchainer rapidement, plus on va avoir de mouvements fluides et lissés. Par exemple, si un personnage court et qu’on fait 12 images en une seconde tu as le temps de décomposer le mouvement correctement alors que si on n’en fait que 2, ça va passer d’une image à une autre très brusquement et ça va aller plus vite.

M : C’est un peu comme le principe du flip book ?

BC : Oui, c’est le même principe. Soit on peut mettre beaucoup d’images entre les deux poses clés pour lisser le mouvement ou pour le rendre plus rapide ou plus lent. En fait, il y a une différence entre un Disney et un Dragon Ball par exemple. Dans DBZ, c’est le nombre d’images réellement par seconde qui sont faites. Dans les animes, on n’est pas sur du 12 ou du 24 images par seconde. On peut être sur du 8 images par seconde. Il y a une économie de moyen dans ces productions là. Il me semble que dans Naruto on voit vraiment la différence. Dans la plupart de la série, ça ne bouge pas tellement sauf dans certaines scènes où on va voir voir une scène super fluide, avec des combats spectaculaires et avec des tonnes de dessins. Souvent ce sont des scènes où ils vont décider de mettre soit le plus de budget, soit mettre l’animateur hyper performant de leur équipe pour faire quelque chose d’incroyable à regarder parce que c’est une scène importante.

M : Oui, ils doivent établir une stratégie avec une économie de moyen en privilégiant les scènes clés de l’épisode tout en délaissant les moins importantes et puis aussi parce qu’ils doivent produire chaque semaine un épisode non ?

N : Oui, au Japon, ils soutraitent parfois les scènes les moins importantes pour faire les scènes les plus importantes dans le studio pour être sûr de faire de la qualité dans les scènes importantes.

BC : Oui, c’est en quelque sorte la culture « mangaka » où toutes les semaines il faut sortir des épisodes. Je ne sais pas si c’est une rumeur ou pas mais j’ai entendu dire que parfois dans certaines séries, l’épisode est fini la veille de la diffusion.

N : C’est fort probable.

M : C’est vraiment à flux tendu !

BC : Oui c’est vraiment énorme comme rythme. Maintenant par rapport à la sous-traitance, je n’ai pas plus de détails que ça mais je sais que tous les studios, même les gros studios américains qui font des films d’animation 2D/3D. Il y a souvent plein de petites boîtes de production qui vont s’occuper par exemple des effets spéciaux de telle scène, ou travailler sur les personnages secondaires, ou dans la modélisation de telle ou telle partie, Tout ne se fait pas dans le studio principal. Dans les génériques on voit plein de boîtes de production partout dans le monde qui ont participé à la réalisation du film.

M : Ce sont de très gros projets en effet. Et du coup, pourrions-nous parler des étapes de réalisation d’un dessin animé ? En partant du scénario en passant par les dessins, l’animation, les doublages, etc.

BC : Il y a beaucoup d’étapes. Ca dépend des productions mais le schéma global c’est un petit peu comme pour un film classique sauf que la grosse différence sera surtout au niveau son. Rien n’existe avant qu’on commence à faire les dessins. Pour les sons, aucune voix n’est enregistrée durant un « tournage » ni aucun bruitage.

Tout cela sera créé pièce par pièce, étape par étape. Sinon pour le reste, c’est un peu comme pour un film traditionnel : il y a d’abord un scénario, donc une histoire qui est développée, en même temps, il y a des concepts graphiques qui sont fait. Il n’y pas forcément d’ordre précis. Quelqu’un peut arriver avec un dessin en disant : « j’ai cette idée là » en faisant un story board de la scène.

En fait, il y a plusieurs phases avec la pré-production, la production puis la post-production. Dans la pré-production, on va s’attarder sur l’histoire, sur l’image qu’on va donner (univers graphique) sur les situations avec l’histoire écrite puis le story board qui est comme une bande dessinée, où on va montrer les plans de l’animation case par case. Mais l’une des phases que je préfère, c’est le story board et l’animatique parce c’est là que ça va assez rapidement. Sans forcément faire des dessins très poussés, il faut juste que ça soit compréhensible.

Alors on va pouvoir essayer telle scène… Alors cette scène ne marche pas, je l’enlève et je vais la mixer tout ça avec une autre… Et puis je vais mettre cette autre scène A avant la scène B d’après, etc. C’est une sorte de façon organique de travailler pour construire une histoire.

Une fois que toute l’histoire est faite; il y a aussi une phase importante. C’est l’animatique : c’est en fait un story board animé. C’est souvent la version en noir et blanc ou en valeurs de gris de tout le film avec des voix au dessus. Mais les voix ne sont pas forcément définitives, c’est même parfois juste les voix de l’équipe juste pour voir à quoi l’histoire va ressembler. Et une fois que tout est défini avec le scénario et le story board. On va faire les véritables doublages avec les acteurs finaux parce que en animation la plupart du temps c’est comme cela que l’on fait. Le plus simple et le plus pratique c’est qu’on enregistre d’abord les voix puis on va animer pour que ça corresponde aux voix. On ne fait pas tout le film en faisant les voix ensuite. On le remarque moins quand on voit les dessins animés en version française mais dans les versions originales la forme des bouches correspondent aux mots prononcés.

C’est un travail d’acteur d’abord qui va interpréter le personnage et aussi l’animateur va aussi s’imprégner de tout ce qui est dit et de la façon d’on l’acteur le dit pour animer. Je n’ai pas vraiment d’exemple en tête mais certains personnages ressemblent physiquement à l’acteur qui le joue. Dans leurs expression et leurs mimiques. Parfois le doubleur est filmé et l’animateur va s’inspirer du visage de la personne. Il y a pas mal de making of où l’on voit les acteurs jouer mais parfois les animateurs travaillent sans avoir vu les doubleurs parce qu’ils animent uniquement avec le personnage. Mais parfois l’animateur va juste choper un petit détail d’une expression faciale du doubleur pour avoir une impression de voir l’acteur dans l’attitude du personnage.

M : oui, parfois certains personnages ressemblent à l’acteur qui fait le doublage.

BC : ça peut en effet arriver. Je crois que le génie d’Aladdin avait été grandement influencé par Robin Williams qui le doublait en version originale. Il avait tellement donné dans sa performance, que ça a influencé la personnalité du génie dans sa façon de parler, de bouger et dans les blagues qu’il faisait. Il y a une certaine liberté que peuvent avoir les acteurs qui vont devenir les personnages.

Il y a un truc que j’aime bien aussi : il y a vraiment qu’une chose par rapport à l’acting dans l’animation même pour les animateurs, parce que en gros, Glen Keane j’en connais pas des tas des animateurs mais c’est l’un des plus connus que je connaisse. En gros, c’est un animateur qui était ou qui est encore je crois chez Disney où il continue à travailler et il a par exemple inventé le personnage de Tarzan et de la petite Sirène, il les a designé et animé également.

Il dit qu’un animateur c’est un acteur avec un crayon. On ne le voit pas à l’écran mais il est obligé de se mettre dans la peau du personnage pour faire sentir les choses correctement.

C’est à la limite une sorte de trans, je n’ai pas eu ce genre d’expérience aussi intense que ça mais quand les animateurs animent un personnage, ils sont tellement dans le truc qu’il se mettent à la place du personnage.

Ils font les mêmes mimiques qu’eux, ils doivent parfois aussi bouger de la même façon pour voir comment bouge le personnage et souvent les animateurs se filment dans une salle où ils sont en train de faire la même action que le personnage pour trouver comment il bouge. Il ne faut pas seulement l’imaginer, il faut aussi voir des références ou ce genre de choses. C’est assez incroyable de les voir animer comme ça et de se mettre tellement dans le truc. Ils ne pensent à rien d’autre, ils sont juste dans le personnage. Tu dois donner une performance comme un acteur devant un public ou une caméra. Sauf qu’ici ça dure beaucoup plus longtemps.

M : En fait, c’est très complet comme art. Ca va au delà de ce que j’espèrais et de ce que je pensais.

N : C’est marrant parce que ce que disait Benjamin, ça me rappelait un making of de Blanche neige où les animateurs s’amusaient à porter une fausse barbe et à se regarder dans un mirroir pour animer les barbes des 7 nains. C’est exactement ce que décrit Benjamin.

BC : Par exemple, dans Bambi, ils avaient mis des animaux dans le studio qui étaient couchés devant eux, et pendant qu’ils bougeaient ils étaient tout autour en train de les dessiner, de capter les poses pour pouvoir ensuite retranscrire au mieux tout ça. Ils ont fait pareil pour Ratatouille en observant les rats, en les dessinant pendant qu’ils bougeaient. C’est un mélange de dessin d’observation et de dessin quand l’animal n’est plus devant, il faut ensuite avoir les réflexes pour faires les gestes de tel ou tel façon.

En parlant de référence, je voulais parler du making of des Indestructibles. C’est l’un de mes making of préférés. On y voyait un animateur de chez Pixar, qui avait une question qui m’a semblé super intéressante : dans une scène des Indestructibles, il devait animer le père de famille devant porter un objet lourd alors qu’en même temps il est très fort. Il a été demander au réalisateur comment faire. Alors on voyait l’animateur en train de porter une grosse balle de gym (medic ball) qui s’efforçait à l’exercice.

Ils avaient plein de réfléxion comme ça pour savoir comment faire ressentir ce genre de chose. Clairement, dans une animation, c’est soit du papier, soit un modèle 3D ça ne pèse rien et c’est dans les mouvements qu’on va faire en sorte qu’on se dise qu’il y a vraiment du poids. La physique c’est très impressionant dans l’animation. Rien que de faire un personnage qui saute, il faut comprendre tout ça pour le faire bouger correctement et donner l’impression qu’il a du poids.

M : Est-ce que par exemple, Youtube pourrait être une bonne source pour faire du dessin d’observation, pour les mouvements ?

BC : Oui clairement, on pourrait avoir des vidéos comme ça pour plein de choses qui ne sont pas acccessibles. Mais ce que je conseille le plus, c’est juste de prendre un carnet soit chez soi ou à l’extérieur pour observer les gens ou les objets. Parce que quand on dessine à partir d’une photo ou d’une vidéo on n’a pas la dimension 3D. On travaille à partir d’une image plate et on a tendance à reproduire un contour plutôt qu’une vraie forme.

Autre chose, peut être plus pour l’illustration mais aussi valable pour l’animation : quand on dessine à partir d’une photo, le cadre est déjà fait. C’est à dire que quelqu’un a déjà décidé que par exemple tel plan est en bas à droite de l’image alors que quand tu es dans la rue avec ton carnet c’est à toi de définir où commence ton dessin, où il finit et où tu vas arrêter de dessiner ce qu’il y a autour de toi. Tu dois ainsi beaucoup plus réfléchir et visualiser les choses.

M : Justement, c’est une bonne transition pour la partie suivante traitant de la pratique parce qu’on a déjà aborder dans la première partie théorique, le dessin d’observation. Donc on l’a compris, il faut beaucoup pratiquer le dessin, mais faut-il aussi savoir maîtriser les logiciels d’animation j’imagine ?

BC : Une des questions qui se pose parfois c’est : faut-il savoir obligatoirement dessiner pour être animateur quand on sait qu’il y a des animateurs qui travaillent en 3D c’est à dire qu’ils n’ont pas besoin de faire un dessin pour l’image finale car ils ne « font » (c’est toutefois difficile) que manipuler une marionnette en 3D. Ils n’ont pas vraiment besoin de faire un dessin pour chaque image mais à mon avis, il faut quand même avoir une base en dessin, en visualisation de formes et de timing. Par exemple, la différence dans une animation qui a un mouvement qui est rapide ou lent, c’est le timing entre la différence d’images. Par exemple, si un de tes dessins dure 3 images, il va avoir un aspect différent dans ton mouvement que s’il en dire 10 images. Là il faut imaginer une barre de temps dans un logiciel d’animation dans lequel tu peux étirer ton dessin pour qu’il fasse 20 images plutôt qu’une seule. En gros, il y a deux termes qu’on emploie parfois c’est animer sur les 1 ou animer sur les 2 (en anglais : on the ones, on the twos). Par exemple, on sait que le format du dessin animé diffuse sur 24 images par seconde. La question est : est-ce que je fais un dessin par image ou bien toutes les deux images ? Ca ne fera pas une grande différence en terme de visuel mais si on dessine sur les 1 donc un dessin par image, c’est là qu’on va avoir un rendu le plus net et le plus fluide possible.

M : Est-ce que le nombre d’images par sec a un rapport avec les vitesses de déplacement des personnages ou des objets ?

BC : Si je ne me trompe pas, tu définis au départ le nombre d’images que tu auras au final dans ton animation que ce soit 24,12 ou 8, etc. Ensuite, dans cette vitesse là (je ne suis pas sûr du bon emploi du terme vitesse) mais pour simplifier, dans le nombre d’images par sec tu peux faire un mouvement plus ou moins rapide en fonction du nombre d’images que va durer ton dessin animé. C’est pas facile d’expliquer ça sans visuel mais par exemple, comme je le disais tout à l’heure, un geste peut être plus ou moins « rapide » par rapport à l’espacement entre les dessins (ou plutôt à la durée de chacun des dessins). C’est plutôt ça qui va jouer. Mais le nombre d’images par seconde, c’est plutôt pour la fréquence de diffusion. Mais tu peux faire des animations rapides ou lentes à 8 images par sec comme à 24. Cela dépend du nombre de dessin tu mets dans un certain laps de temps.

M : Si par exemple, j’avais à faire un court métrage d’une minute. Grosso modo, comment tu vas faire pour réaliser ça ? Par quoi vas-tu commencer ? Peux-tu nous décrire dans les grandes mailles les différentes étapes ?

BC : C’est comme ça que j’avais lancé ma chaîne Youtube, j’avais fait un court métrage de 1m30 pour un concours (que je n’ai pas gagné mais c’est pas grave). J’avais plusieurs mois pour réaliser une animation de 1m30 maximum sur le thème du voyage dans le temps. J’avais déjà une durée et un thème. C’était bien parce que ça m’a permis de resserer les possibilités, c’est bien d’avoir certaines contraintes pour ne pas se perdre complètement. Les 3 éléments qui m’ont permis de finir dans les délais c’est une durée pour le film, un thème et une date finale pour rendre le film. Du coup, j’ai pu planifier les étapes. J’avais alors jeté pas mal d’idées en me disant « voyage dans le temps, qu’est ce que ça m’inspire ? » « qu’est ce que tu as envie de raconter ». Mettre les idées sur papier, 10, 20 ou plus, prendre des notes, et trier pour en retirer le plus intéressant.

Ce que j’aime faire, c’est imaginer à quoi le personnage va ressembler. Je savais déjà que mon personnage allait être un voyageur sur une planète étrange. Je le voyais déjà avec une couleur bleue ou verte et des grosses lunettes d’aviateur. Ensuite, quand l’histoire commençait à être construite mais que je n’avais pas grand’chose, je visualisais le personnage et me disant « que pourrait-il faire dans cette situation ? », « laisse-le bouger et observe ce qu’il fait » et je me le visualisais en train d’évoluer. C’est assez marrant parce que tu as l’impression que ça n’est pas toi qui l’a créé, il prend vie tout seul.

Ensuite, j’ai fait un story board pour raconter l’histoire du personnage, comment je présente l’histoire cinématographiquement. Comment je passe d’un plan à un autre, quel plan passe avant tel autre, plan large ? Plan rapproché ? Est-ce que le décor est immense ou pas ? On commence donc à définir tout cela. Et ensuite, la phase que je préfère c’est l’animatique où je mets tout cela en mouvement avec la définition de la durée des plans, combien de temps durent les transitions, est-ce que je passe rapidement d’un plan à un autre ou pas. Tu définis un rythme entre l’image, le son, etc. Ce n’est pas comme dans une bande dessinée où tu peux rester 30 minutes sur une page à regarder les dessins. C’est assez compliqué de trouver un bon rythme et ensuite, tu peux le tester auprès de tes proches. Mais attention à leur critique qui n’est parfois pas objective ! Ils peuvent te dire que c’est bien alors que ça ne l’est pas en réalité.

Une fois que ton histoire correspond à tes attentes en parrallèle j’ai fait des recherches de visuels, de peintures, de dessins pour voir à quoi ça allait ressembler visuellement, sa durée, son rythme.

Ensuite tu passes à la phase de production où tu vas réellement animer ton personnage. Tu vas vraiment animer tous tes plans. C’est une phase très longue. Je sais que j’avais trop passé de temps à imaginer mon histoire parce que c’est que je préfèrais faire. J’ai du accélérer pour faire l’animation ce qui fait qu’elle est assez bancale d’ailleurs.

Ensuite, tu passes par les phases que j’avais évoqué tout à l’heure. La phase d’esquisse pour les poses du personnages pour créer le mouvement correctement et ensuite le mettre au propre et en couleur, couche par couche, plan par plan.

A la fin tu vas mettre le décor, le personnage pour avoir l’image finale !

M : Pour faire cela, quel logiciel as tu utilisé ?

BC : A ce moment là, je n’avais pas encore TVpaint. Si je l’avais déjà eu, je l’aurais déjà utilisé correctement. J’utilisais un logiciel gratuit : Pencil2D. Je crois qu’il n’est plus développé mais il est toujours disponible. Ca n’est pas le meilleur mais il est gratuit. On peut l’utiliser assez facilement. J’avais des soucis avec ce logiciel car il ne permet que de faire l’animation. Et pour le coloriage des images, etc c’était très compliqué donc je devais tout exporter. On peut colorier mais c’est basiquement le pot de peinture (je caricature). J’avais dû exporter toutes mes images une par une, les colorier sur photoshop et enfin les mettre sur Pencil2D.

J’aurais pu tout faire en une seule fois sur Tvpaint par exemple.

Sinon, il y a un autre logiciel pour faire de l’animation c’est Blender. Je n’ai pas encore essayé cette partie là du logiciel, mais ils ont maintenant une partie pour faire du dessin animé 2D. Tu peux dessiner directement dans la partie 3D. Je crois que c’est un dérivé d’une technologie qui permettait de dessiner des petits schémas dans la partie 3D et ils se sont dit qu’ils pouvaient faire de l’animation 2D à partir de cette option. Si vous êtes intéressés, ça s’appelle Grease pencil dans Blender.

Sinon, sur le gratuit, il y a aussi Krita. C’est un photoshop gratuit mais en moins complet. Ils ont un module pour faire de l’animation 2D que je testerai pour voir comment ça fonctionne. Apparemment on peut faire des choses intéressantes, ça n’a pas la même prétention qu’un logiciel professionnel comme Adobe Animate, Tvpaint ou Toon Boom Animation qui ont des outils complets utilisés dans les grands studios alors que pour les logiciels gratuits, il n’y a pas vraiment de grosses productions faites avec. Donc ils sont moins développés.

D’ailleurs, pour les débutants, il n’y a aucun problèmes à commencer avec peu de matériel parce que quand j’ai commencé à faire ça j’avais un tout petit ordinateur et j’avais juste une tablette graphique. C’est important d’en avoir une. Pour une centaine d’euros tu as une tablette graphique au format A5 que j’utilise encore d’ailleurs. J’ai aujourd’hui compléter avec du matériel plus puissant. Ca permet de dessiner très correctement sur ton ordinateur. Aujourd’hui, ça ne coupe plus très cher pour commencer. Il faut beaucoup d’énergie, de motivation et de passion pour débuter.

M : Tu as fait des tutos sur ta chaîne Youtube : https://www.youtube.com/benjamincerbai, lesquels as-tu fait ?

BC : J’ai fait des tutos sur Krita pour montrer comment dessiner. J’ai aussi fait des tutos sur le montage vidéo avec Blender. Il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas vraiment faire ça. Sinon, en terme d’animation, j’avais fait des exercices basiques comme rebondir une balle ou faire tomber des objets pour mieux appréhender la physique, faire ressentir le poids d’un personnage. J’ai aussi fait un tuto sur comment animer un animal qui marche. C’est assez compliqué. Il fallait décomposer son mouvement : comment le haut du corps fonctionne comme une masse qui monte et qui descend et c’est pareil pour l’arrière mais il faut ensuite synchroniser les deux parties.

Sinon, il y a un tuto que j’aime bien : comment animer un personnage. A mon école j’avais fait un exercice. J’avais fait tomber des gouttes d’encre sur une feuille blanche et je voulais animer un petit personnage qui intéragit avec les gouttes. Il s’accrochait, sautait, tournait autour de la goutte, etc. J’avais montré dans le tutoriel comment j’avais animé le personnage image par image.

M : Oui d’ailleurs il y a des vidéos Youtube en vitesse accélérée où on te voit vraiment dessiner.

BC : Oui, c’est pour le dessin. Par exemple, je viens de sortir une vidéo « je dessine mon premier portrait » où j’explique les différentes étapes mais aussi les erreurs que j’ai faite.

J’aime faire partager l’expérience du dessin et de la création plutôt que de montrer juste le dessin fini. Je montre quand je galère, pour inciter les gens à rester motivé dans leur apprentissage. Par exemple, pour l’animation, j’avais essayé une technique d’animation pour mon projet de fin d’année d’études en cinéma. Je n’étais pas sur ordinateur cette fois-ci ou une animation 2D traditionnelle. Normalement pour un dessin animé on fait un dessin par feuille mais là j’avais une grande feuile de dessin et j’avais dessiné au fusain dessus. Ca faisait une matière plus épaisse mais c’était un mélange d’animation 2D et de stop motion. C’était très intéressant et assez physique. J’étais devant ma feuille en train de faire de grands gestes. Je faisais mon dessin, je faisais ma première image et ensuite je la photographiais puis je faisais la deuxième image sur la même feuille que je prenais en photo et ainsi de suite. A la fin, tu n’as pas l’archive de tout tes dessins tu n’as vraiment qu’une seule planche ! Il n’y a pas de marche en arrière possible ! Sur l’ordinateur, quand tu fais succéder les images, tu ne peux plus faire de retouche.

M : Il y aussi une technique similaire avec une vitre, tu m’en avais parlé une fois…

BC : Il y a beaucoup de techniques d’animation, on en a évoqué sur ordinateur et sur papier mais il y a aussi des animations faites avec du sable sur une vitre ou un support. On fait un dessin, on le prend en photo puis c’est pareil pour la deuxième. C’est le même principe. D’autres travaillent avec de la peinture, comme dans l’oeuvre « Le vieil homme et la mer ». Un artiste russe du nom de Aleksandr Petrov avait adapté en dessin animé ce livre là. Sur Youtube on peut le trouver, ça a un rendu très particulier. Ca vibre assez étrangement et en même temps c’est assez sacadé mais c’est quelque chose d’assez magnifique à voir. On ressent vraiment le doigt du peintre qui efface les images au fur et à mesure. Je vous conseille de regarder ce dessin animé de Aleksandr Petrov.

M : Justement, voilà une bonne transition parce que j’allais parler de livre ! Qu’est-ce que tu conseillerais de lire pour débuter ?

BC : Il y en a un que je conseille, c’est un peu la bible de l’animateur. C’est une collection de livres intitulée « Techniques de l’animation » ou « The animator’s survival kit » en anglais écrit par Richard Williams qui est assez connu dans le milieu de l’animation pour avoir été directeur de l’animation dans le film « Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ». Ces livres là est un cours qui explique tout sur l’animation de A à Z avec les fondamentaux. On se rend compte que juste avec un personnage qui marche ou qui parle tu as toutes les bases pour faire tout ce que tu veux avec ces connaissances.

Il y en a un autre que j’ai acheté récemment « Drawn to life » écrit par Walt Stanchfield qui a été professeur chez Disney. Il explique comment dessiner correctement et capter les poses pour animer. Donc c’est très accès sur la technique de dessin orienté animation. C’est très illustré avec des croquis pour motiver les lecteurs. C’est aussi utile aux débutants qu’aux experts qui veulent se spécialiser.

Sinon, pour les débutant, il y a aussi un autre livre intéressant c’est « Les fondamentaux de l’animation ». C’est une collection spéciale où on retrouve aussi « les fondamentaux du design » et d’autres sujets. C’est une collection pour ouvrir le champ des possibilités dans le monde de l’animation sans aller dans les détails. C’est accessible avec des exemples de films et les techniques d’animation. Ca permet ensuite d’aller se documenter pour aller en profondeur dans un sujet spécifique. C’est un ouvrage qui donne des portes d’entrée dans tous les domaines de l’animation.

M : C’est assez complet la création de dessins animés !

BC : Oui c’est comme le cinéma, c’est à la fois un art mais aussi ine industrie qui doit tourner avec beaucoup de personnes. Pour moi c’est l’art complet (désolé si ça peut paraître réducteur pour les autres arts) mais on y retrouve de la sculpture, du dessin, de la comédie, de la musique. C’est un mix de tout cela pour créer une seule oeuvre à la fois !

M : Est-ce que tu penses qu’on peut faire tout seul un dessin animé ? Même en étant indépendant ?

N : Il y a un exemple avec Makoto Shinkai

BC : Oui c’est vrai et puis on ne peut pas avoir la même ambition avec un film solo et une équipe de 100 personnes ! Mais personnellement je préfère soit être dans une petite équipe ou être tout seul pour avoir la main sur ce que je vais concevoir ou raconter les choses. Pour avoir le plaisir de me dire que c’est moi qui ait fait l’histoire et qu’à la fin je me dise c’est moi qui ait fait l’oeuvre. Au début quand j’étais petit, je voulais être animateur chez Pixar mais en fait c’est pas évident car je me suis rendu compte qu’il fallait me spécialiser. J’ai vite compris que j’allais devenir juste un maillon de la chaîne. Alors que je préfère toucher à tout ! Donc plus tard, soit je travaillerai pour une petite équipe soit je ferai des courts métrages sur internet avec des oeuvres à mon échelle. Je préfère être un artiste plutôt que d’être l’engrenage d’une énorme machine artistique.

N : Comme Makoto Shinkai qui est parti tout seul et ensuite qui a cherché des talents petit à petit pour travailler avec lui. Et puis parfois en faisant appel à sa petite amie pour les doublages et un copain à lui pour les musiques.

BC : Il y a un autre exemple d’une personne qui a réalisé tout seul, Sébastien Laudenbach, « La jeune fille sans mains » d’après le conte des frères Grimm. Il a dessiné son animation seul, c’est une animation assez particulière qui est assez simple. Si tu regardes les images une par une, elles sont insignifiantes mais une fois enchaînées ça représente vraiment quelque chose. Les images intermédiaires sont constituées de seulement quelques traits. C’est ça la magie de l’animation ! Comme dans les cartoons, si on regarde image par image, on se demande s’il y a vraiment certaines images dans l’animation !

M : Oui, c’est l’oeil et le cerveau qui avec la superposition des images, reconstituent l’ensemble.

BC : Oui, c’est le principe même de l’animation et du cinéma. On fait défiler des images et la persistance rétinienne donne l’illusion.

M : Merci à toi Benjamin pour tes explications ! Reviens quand tu veux ! Merci à toi aussi Nico pour ta présence. C’est sympa de mêler technique et culture. La vocation du blog est de rassembler les créateurs et les fans de dessins animés.

BC : C’est toujours bien d’être curieux de savoir comment sont réalisés les dessins animés. Si des auditeurs souhaitent aborder un sujet spécifique pour une prochaine émission, qu’ils n’hésitent pas à le dire dans les commentaires.

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A propos de l’invité : Benjamin Cerbai

Les logiciels évoqués dans le podcast :

  • TVPaint
  • Pencil2D
  • Blender (grease pencil)
  • Krita
  • Adobe animate

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Les livres pour débuter :

  • Techniques d’animation (de Richard S Williams)
  • Les fondamentaux de l’animation (de Paul Wells)
  • Drawn to life (de Walt Stanchfield)

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Manu

Emmanuel a connu Nicolas (l'auteur des articles) sur les bancs d'école ! Une amitié de plus de 20 ans déjà. Lui aussi est de la génération "80". Dès sa plus tendre enfance, Emmanuel a surtout baigné dans le monde des jeux vidéos mais il a grandi avec les dessins animés archiconnus du petit écran ! Il se consacre essentiellement à toute la partie technique et support du blog.

3 réponses

  1. frogsptitchou dit :

    podcast tres interessant!!

  2. Nico dit :

    Merci Benjamin 🙂

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