Tendinite du dessinateur et autres blessures

Tendinite et autres blessures du dessinateur

 

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Manu : Salut Gwendoline et bienvenue dans ce nouveau podcast. Cela fait depuis l’été dernier que nous nous connaissons. Tu donnais des cours de dessin d’anime et de manga sur Amiens dans une bibliothèque. C’est à ce moment là que je t’avais parlé du site les-dessins-animés.fr. Je t’avais demandé si tu voulais participer à notre site en proposant du contenu comme des tutoriels par exemple. Et c’est ce que tu fais remarquablement bien. Je voulais te remercier par rapport à cela.

Si vous n’avez pas encore vu les articles et les tutos de Gwendoline (Espérance Simon), c’est dans la catégorie dessin et vous verrez comment bien dessiner les yeux et la bouche de vos personnages par exemple. Elle y va étape par étape et dans le détail. Elle vous explique tout cela très bien.

Aujourd’hui le sujet est : comment éviter de se blesser quand on dessine. Ça peut faire rire certains mais quand on a une pratique assidue du dessin, il se peut qu’il nous arrive des blessures.

Gwendoline : Oui le dessin est un métier à risques que l’on ne soupçonne pas. Il y a des mouvements répétitifs qui font que nos muscles et nos tendons se blessent.

Manu : Même moi qui ne suis pas un expert en dessin je ne soupçonnais pas que l’on pouvait se blesser. Donc aujourd’hui on va en parler un peu plus en détail.

Gwendoline : Il y a même des mangakas au Japon qui, nuit et jour, travaillent et finissent à l’hôpital. Malgré tout, ils continuent de travailler !

Justement il m’est arrivé une malencontreuse situation : une tendinite ! C’est le mal de l’artiste.

Manu : Je l’ai appris ce matin et du coup il nous est venu l’idée de ce sujet très peu abordé.

Gwendoline : Tout à fait. C’est quelque chose dont on ne nous parle pas quand on fait des études de dessin. On nous apprend juste à dessiner et ne nous dit pas comment bien se positionner et prendre soin de soi. Par contre dans le commerce on nous apprend comment bien soulever les cartons et je pense que c’est ce qui manque dans le cursus scolaire.

Quels sont les risques liés au métier de dessinateur ou de passionné aguerri ?

Gwendoline : Il y a plusieurs risques de blessures autant psychologiques que physiques. Alors je vais commencer par le physique : le dos c’est notre posture qui détermine nos maux de dos. On travaille huit heures par jour assis et c’est peu comparé à d’autres artistes qui restent assis plus souvent. Par exemple, les japonais restent bien plus souvent assis dans la même position. Le dos est souvent courbé sur notre feuille de dessin ou notre tablette graphique. C’est très dur. On fini avec des lumbagos et des hernies discales. Ce sont des séquelles qui restent longtemps.

Manu : Justement on va se concentrer sur la position assise par exemple. Qu’est-ce que tu préconiserais comme position ? J’imagine qu’il faut avoir le dos le plus droit possible…

Gwendoline : Oui exactement ! J’ai des conseils que l’on n’applique pas très souvent. C’est de se lever toutes les heures pour rappeler au corps que sa position initiale ce n’est pas assise ni courbée. Par exemple, pour pallier à cela, j’ai pris une chaise « assis debout ». Mon assise est un peu plus remontée que les genoux qui sont posés sur un support. Je suis presque à genoux sur une chaise. Il n’y a pas de dossier bien sûr. Il y a des chaises pour tous les prix donc ce n’est pas ce qui coûte plus cher.

Siège assis genoux

Est-ce que ta table est ergonomique ?

Gwendoline : J’ai une tablette graphique pour tout ce qui est digital donc celle-ci je peux la placer comme je veux. Je place la tablette selon ma posture. En revanche, pour tout le dessin traditionnel comme la peinture ou les croquis, je n’ai qu’une table classique, du coup je mets plein de livres pour me rapprocher le plus possible. C’est du « fait maison ». Alors je fais du traditionnel dehors mais l’hiver je me réchauffe avec du digital à la intérieure.

Manu : Du coup pour toi ça fonctionne bien la chaise « assis genou » ?

Gwendoline : Oui, je l’ai très bien adopté. Ca fais très longtemps que je l’ai. C’est bien mieux que les chaises que j’avais avant.

Manu : Donc, je rappelle qu’il faut faire des pauses régulièrement toutes les heures. C’est très bien d’avoir un siège adapté. Donc, on a parlé du dos mais :

Est-ce que l’on peut souffrir de maux au niveau de l’épaule et du bras ?

Gwendoline : Justement j’ai mal à l’épaule, au bras et à la main ! Il y a aussi une douleur qui part des omoplates quand on écrit beaucoup. Par exemple, les étudiants en partiel connaissent ! C’est un petit peu cette même douleur qui revient à chaque fin de journée huit heures plus tard. Ça fait mal donc pour ça il y a des crèmes qui existent lorsque l’on soupçonne l’arrivée d’une tendinite. Par exemple, on va voir le médecin. Il n’y a pas d’autres solutions que cela. On va voir le docteur qui nous prescrit des médicaments. C’est tendineux-ligamentaire.

Manu : Tu veux dire qu’il faut absolument consulter un docteur et qu’on ne peut pas prendre directement en pharmacie quelque chose sans ordonnance ?

Gwendoline : Quand ce n’est pas la première fois si mais le mieux reste d’aller voir un médecin pour qu’il nous prescrive une attelle ou des bandages qui s’étirent.

Manu : Il y a une façon de faire des bandages aussi ?

Gwendoline : Non pas du tout. C’est quand on a l’habitude que l’on sait où est-ce que ça fait mal et ce que l’on doit faire tenir pour que cela ne bouge pas pendant plusieurs semaines. J’ai une tendinite entre le pousse et l’index à cause du fait de tenir le crayon.

Comment peut-on prévenir la tendinite du dessinateur ?

Est-ce que tu penses que l’on peut faire des exercices d’échauffement pour éviter cela ?

Gwendoline : Oui ! Déjà dessiner huit heures d’affilée à froid est déconseillé. Comme les gymnases qui vont monter à la barre et qui s’échauffent les poignées ne serait-ce que pour s’étirer les mains. Ca fait du bien et c’est un très bon réflexe que l’on a au réveil.

Manu : C’est vrai que c’est une approche où certains vont dire que c’est exagéré mais cela paye sur le long terme.

Gwendoline : Oui bien sûr ! Parce qu’une tendinite, ça met du temps à guérir donc lorsqu’on on a plus de douleur cela ne veut pas dire qu’elle est partie. Si tu recommences de plus belle, tu vas en avoir une autre un peu plus forte. Donc il faut bien penser à la guérir. Là, c’est ma troisième tendinite.

Manu : Est-ce que tu prends une marque de pommade en particulier ?

Gwendoline : Oui je prends la pommade Saint-Bernard, le temps de prendre rendez-vous chez le médecin. Sinon, on peut mettre du froid sur le tendon, c’est ce qui va soulager.

Pommade Saint Bernard blessure du dessinateur

Est-ce qu’il y a une façon de bien tenir le crayon ?

Gwendoline : Je ne pense pas ou sinon je n’y ai pas réfléchi. Mais il est vrai que je tiens le crayon comme une gauchère alors que je suis une droitière. Le médecin ne l’a jamais vu et ne m’a jamais dit que c’était l’une des causes de la tendinite. Donc c’est une question à creuser mais je ne pense pas. Je pense que c’est la répétition du mouvement comme à l’usine qui a causé ce problème. J’imagine que la sollicitation du muscle de manière prolongée fait que à un moment donné il s’essouffle.

Manu : Merci pour ces précisions. On a cerné plus ou moins les conséquences et pourquoi cela arrive. Il faut avoir en tête que les blessures peuvent nous paralyser pendant des semaines voire des mois.

Gwendoline : Exactement c’est comme un informaticien qui a un ordinateur cassé. Il va lui falloir des jours pour le réparer. Nous, c’est pareil. Si on ne prend pas soin de soi un minimum donc si on se casse quelque chose, on n’a plus de possibilité de travailler. Et là, c’est trois semaines d’arrêt sans travailler. C’est quand même assez dur. Une amie a une fracture. Hélas ce n’est pas trois semaines de repos mais c’est bien plus longtemps et c’est tragique.

Manu : C’est une fracture qui n’est pas due au dessin j’espère quand même !

Gwendoline : Non non pas du tout ! Là, c’est les aléas de la vie qui font que.. Quand on ne travaille pas à cause d’un accident, cela peut vite arriver. Mais là, ça a des conséquences terribles pour elle.

Comment ferais-tu pour garder le moral quand tu ne peux pas dessiner ?

Gwendoline : Hormis pleurer à chaudes larmes et manger de la glace au chocolat… Je plaisante. Je pense que se changer les idées est bon. Il y a plusieurs manières de rester dans le dessin sans pour autant dessiner. Rien que le fait de regarder le travail des autres et discuter aussi avec eux des différentes techniques est un premier pas. YouTube est magique pour cela avec le speed drawing. On se dit : « Tiens, il ne fait pas la même méthode que moi mais pourtant il arrive à des résultats similaires. Il y a plusieurs manières de faire des choses et rien que ça permet de nourrir sa créativité et ça n’a pas de prix. C’exactement ce que je vais faire durant ces trois semaines.

Manu : Alors justement qu’est-ce que tu vas faire pendant ces trois semaines si tu ne peux pas dessiner ? Cela peut donner des idées à ceux qui sont blessés et qui nous écoutent.

Gwendoline : Oui j’espère que cela va pour eux d’ailleurs. Mais mise à part ça. Je regarderai des arts book. J’en ai plein ma bibliothèque. J’aime voir aussi ce qu’il se fait dans les bibliothèques au niveau de l’histoire de l’art. Je vais aussi sur Internet pour regarder des animations et voir comment se mettent les couleurs et la gestion… Tout ce genre de choses. C’est toujours très intéressant de voir ce qui se fait ailleurs.

Le « Art block », c’est quand tout va mal. En tant qu’artiste, on peut être blessé physiquement mais aussi psychologiquement. Par exemple, quand un client nous répète que l’on ne travaille pas assez vite et que les résultats sont moyens, ça fait un petit peu mal.

Manu : Oui, ça lui coupe un peu son inspiration et ça le stresse. Il est dans une situation qui l’empêche d’être créatif.

Gwendoline : C’est exactement ça, la créativité est indispensable. C’est pour ça que les robots ne font pas d’art.

Manu : Justement, on a parlé par mal du physique mais mentalement ; quelles sont les situations stressantes que tu as connues pendant une mission ou un projet à réaliser ?

Gwendoline : C’était l’année dernière. J’étais en plein burnout. C’est comme lorsque l’on sollicite trop ses tendons. On continue toujours à travailler nuit et jour avec très peu de pauses. Finalement, on finit par craquer du jour au lendemain et sans s’en rendre compte.

C’est un peu comme la tendinite, c’était quelque chose de très dur. J’ai même fait une série de dessins sur le suicide et ce n’était pas très joyeux. Ce n’est pas le genre de dessins que je montre à ma famille bien sûr.

C’est là que la productivité est au plus bas. C’est ironique parce que je voulais produire beaucoup et à vouloir produire plus je produisais encore moins.

A un moment donné on m’avait demandé de faire une brochure avec un collègue en trois ou quatre jours. On a travaillé nuit et jour et le client nous envoyait des emails à deux heures du matin en nous disant : »Non, il faut le modifier ceci et cela ». Du coup, on levait et on le modifiait.

Après j’étais à plat. Donc aujourd’hui, je suis nouvellement guéri. Maintenant je me suis jurée que je dormirai simplement et que si un client me dit que « Non ça ne va pas, il faut que tu finisses vite ». Je dirais « Non, désolé, j’ai des horaires de travail comme mon grand-père plombier ».

Manu : Oui il ne faut pas s’embarquer dans une situation où le client vous contacte à n’importe quelle heure. Il faut être clair avec lui surtout pour les freelancers. Il faut leur dire : « Je suis disponible mais au-delà de ces horaires là, je ne le suis plus plus dans le cadre professionnel ». Il faut aussi que le client respecte votre vie privée et votre planning.

Comment prévoir les burn-outs ?

Qu’est-ce que tu ferais en terme de prévention ?

Gwendoline : Maintenant je peux dire ce que je fais pour éviter le burn-out. C’est osé de dire « non ». Déjà, il y a des gens qui me disent : « Est-ce que tu pourrais me faire ce dessin ? Ca prend 10 minutes ». Je réponds « Non ». Je vais les consacrer à prendre soin de moi et de ma famille. Donc il faut oser dire « non ». Ce n’est pas grave. Si la personne demande, c’est qu’elle s’attend à un oui ou un non. Ne répondez pas peut-être. Il faut s’affirmer. Cela nous évite beaucoup de problèmes par la suite. Il faut prendre soin de soi et ne pas toujours penser dessin.

C’est magnifique lorsque c’est un loisir mais lorsque c’est un métier, c’est différent.

Manu : Oui, il faut faire d’autres activités qui ne concernent pas que du dessin.

Gwendoline : C’est ça et je me donne des horaires de travail. Je me lève tous les jours à 9h00 et à 10h30 je commence à travailler jusqu’à ce que je mon conjoint revienne du travail. Avec une heure de repos le midi (je mange devant une série). Je suis plus efficace comme ça et je suis plus créative aussi.

J’ai un planning en fonction de ce que je dois faire donc : le lundi et le mardi, c’est les projets personnels. Le mercredi et le jeudi, les projets pour des logos et du graphisme. Le vendredi et le samedi, c’est consacré aux tutos et la transmission du savoir.

Manu : Voilà. Avoir une vie bien équilibrée et répartir son travail dans la semaine comme tu le dis. Ne pas s’isoler et rencontrer aussi éventuellement d’autres dessinateurs si vous habitez dans la même ville. Vous pouvez aller boire un café avec eux et éviter de rester nuit et jour sur votre table comme un japonais en fait.

Gwendoline : D’ailleurs là-bas, le burn-out n’est pas très reconnu et pourtant il fait des ravages.

Manu : On sait très bien qu’au niveau du travail c’est complètement différent.

Gwendoline : Ce n’est plus : travailler pour vivre mais vivre pour travailler et là c’est une autre paire de manches qui ne me plaît pas.

Manu : Y a-t-il un point sur lequel tu voudrais parler en plus ?

Gwendoline : Oui ne pas toujours écouter ce que dit Internet ou les réseaux sociaux. Il y a des gens qui racontent des choses exagérées. Il faut surtout essayer de voir des gens positifs et non pas des gens toxiques que j’appelle des « vampires ».

Manu : C’est important de bien s’entourer et si on est blessé ou que l’on ne peut pas vraiment donner ce que l’on peut, c’est aussi l’occasion de donner des conseils aux autres sur des projets. En leur donnant un avis ou alors en écrivant un article sur un sujet qui va aider les gens par exemple. Il y a différentes façons de faire du dessin mais indirectement en aidant la communauté. C’est une autre façon positive de faire même si on ne peut pas dessiner. On peut toujours apporter des choses aux autres. Il ne faut pas se dire « Je suis blessé, je ne peux pas dessiner, donc je vais me couper du monde du dessin ». Au contraire, cela peut être une phase ou l’on peut se recentrer et essayer de faire un peu de nettoyage dans son quotidien, améliorer ses méthodes de travail ou changer de fournisseur. Il y a plein de façons de faire. On peut prendre aussi du temps sur des choses que l’on ne pouvait pas traiter auparavant, faute de temps.

Gwendoline : Aller au musée est aussi est très enrichissant. C’est aussi l’occasion de voir d’une autre façon ce que l’on est en train de faire. De se remettre en question et de sortir un peu la tête du guidon, de prendre du recul sur ce qu’on fait à tous les points de vue.

Manu : Il y a de la frustration mais il faut transformer cette expérience douloureuse en quelque chose de positif. Donc là, tu en as encore pour trois semaines de repos. Comment fais-tu pour gérer cet incident avec des clients par exemple ?

Je leur dis que le matériel est cassé ! Et que c’est en commande. Je plaisante bien sûr ! Les clients que j’ai sont compréhensifs et je leur explique la situation. Excusez-moi, j’ai une tendinite donc le projet sera retardé de quelques temps. Si ça ne peut pas être retardé alors je vais vous conseiller une camarade qui sera ravie de prendre votre commande. J’ai des clients qui acceptent parfois le retard de délai et d’autres pas mais malgré tout on reste en contact. Donc j’ai de la chance de ce côté-là

Manu : Si cela se gère comme cela alors c’est très bien merci ! C’était ma dernière question. Je te remercie Gwendoline d’être passée nous voir dans ce podcast. C’est aussi l’occasion pour nos auditeurs de faire connaissance avec toi. Je le répète, Gwendoline fait les tutoriels de dessin sur notre site. N’hésitez pas à aller voir ses tutoriels. Ils sont très bien expliqués et très bien détaillés. Tu fais une série sur les éléments du corps en ce moment n’est ce pas ?

Gwendoline : Tout à fait ! Tout ce qui est un peu difficile. J’ai quatre petites sœurs et trois d’entre elles voulaient apprendre à dessiner et elle rencontraient les mêmes difficultés. Par exemple : oublier les sourcils pourtant c’est ce qui habille le regard. Les cheveux étaient aussi souvent des carrés. C’était très original ! Donc je commence par les difficultés et les points les plus importants.

Manu : Je te remercie beaucoup d’être venue et on se reverra dans un prochain podcast et un prochain sujet sur le dessin. Merci Gwendoline et à bientôt !

Retrouvez Gwendoline alias Espérance sur son site internet.