Comment ne plus être un dessinateur solitaire ?

Dessiner et sortir de la solitude_

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Salut et bienvenue dans ce nouveau podcast. Aujourd’hui j’ai l’honneur d’accueillir Espérance (Gewndoline) et Bax (Bleu) tous deux dessinateurs.

Nous allons parler d’un sujet qui touche le dessin et les dessinateurs en particulier : la solitude mais aussi de la collaboration artistique.

Comment sortir de la solitude et trouver des partenaires pour monter des projets.

Avez-vous déjà expérimenter des phases de solitude dans votre métier ?

Espérance : Pour ma part oui ! Ça arrive très souvent lorsqu’on est sur un projet de bande dessinée, d’animation ou de dessin. C’est un travail très solitaire parce que tout ce qui est brouillon, encrage et colorisation incombe à notre tâche. Ensuite, on demande des avis. On travaille chez soi la plupart du temps. Heureux sont ceux qui ont accès à des ateliers de dessinateur près de chez eux comme sur Amiens par exemple (On a marché sur la bulle).

Des dessinateurs s’y rejoignent, dessinent ensemble et montrent leurs planches. Mais on ne trouve pas ces ateliers partout en France.

Où peut-on trouver ces ateliers ? En quoi ça consiste ?

Espérance : C’est un peu le point de rencontre après le travail. C’est comme une association qui dispose d’un local avec des tablettes graphiques et du matériel pour exercer. Par exemple sur Amiens, c’est l’association On a marché sur la Bulle qui organise le festival de la bande dessinée à Amiens en juin (il me semble).

Y-a-t-il des ateliers similaires à la Réunion ?

Bleu : En fait, à la Réunion, la BD n’est pas très développée. Il y a quelques projets et magazines mais c’est pas encore ça au niveau de l’expérience humaine. Donc on travaille généralement seul. Il y a un peu plus de mouvement du côté des graphistes et dans le milieu artistique en général.

Comment se passe votre travail de freelance dans un projet ?

Espérance : On se voyait une fois par semaine. Le scénariste me donnait le scénario pour les prochaines planches. Et il me demandait de faire un story board. A ce stade, c’est encore en ébauche, les personnages ne sont pas encore bien définis. Je montre aussi le découpage et où sont placées les bulles. C’est important pour redimensionner les vignettes au besoin. Et en fin de semaine, je présente mes travaux. Ainsi de suite. Le scénariste peut alors me dire de changer le scénario pour faire mieux.

C’est pour ça que les BD prennent du temps à être faites. Ça peut prendre 1 an à 1 an et demi. Il arrive aussi que l’éditeur veuille changer des choses une fois que le scénariste lui a montré les planches. Donc ça peut devenir assez compliqué.

Une lecture de 5 min représente au moins 1 mois de travail !

Comment palliez-vous à la solitude dans votre quotidien ?

Quelles sont les actions quotidiennes ou régulières que vous mettez en place pour prendre du recul par rapport à vos créations. Contactez-vous des amis dessinateurs pour garder vos sources d’inspiration et garder la motivation ?

Espérance : J’ai Bleu ! Sinon je lis beaucoup de mangas, de BD, de romans et je regarde aussi la télé.

Bleu : Oui, pour ma part je m’inspire des jeux vidéos, BD, mangas, romans aussi.

Espérance : Il y a tellement d’œuvres inspirantes que lorsque l’on tombe dedans on peut vite procrastiner sur ses projets. Mais l’inspiration a été tellement forte et les post-it bien remplis que c’est pas si grave que ça.

On passe aussi sur des groupes Facebook, l’appli Amino, Instragram et le forum les-dessins-animes.fr aussi !

Je n’ai pas encore eu l’occasion de partager des planches mais j’aimerais le faire pour avoir l’avis des personnes. Pour savoir si l’histoire est compréhensible. Parce que les mauvaises idées ne sont pas seulement un dessin. C’est aussi une histoire et un contexte. Je veux savoir si le lecteur a été touché comme je le voulais ou si je suis tombée à côté.

On va alors montrer notre projet de scénario aux futurs lecteurs pour pouvoir produire l’oeuvre.

Faites-vous des teasing en BD ?

Manu : L’idée étant de tester une BD alors qu’elle n’est pas encore produite avec le minimum de temps et d’énergie possible. Ça permet de ne pas s’embarquer dans un projet pendant 6 mois et de finir une oeuvre qui ne va pas avoir beaucoup de succès.

Espérance : Je n’en n’ai jamais fait. Et Bleu non plus. Les éditeurs le font : ils animent des planches de bande dessinée et en font des vidéos de teasing sur des sites. C’est une forme de promotion de BD déjà produites.

Mais je pense qu’il est possible de faire une planche qui présente l’histoire et on coupe à un certain moment.

Dans le cadre de l’auto-édition, c’est vrai que c’est une phase importante. Mais quand on a trouvé un éditeur, ce n’est pas forcément notre problème. Grâce à internet, il est de plus en plus abordable de faire de l’auto-édition, les coûts étant en baisse.

Quelles plateformes utilisez-vous pour communiquer avec d’autres dessinateurs ?

Bleu : le plus souvent c’est Discord parce que maintenant Facebook est devenu assez fantôme. Discord c’est bien parce qu’on peut réagir directement et c’est mieux animé. Il y a aussi Mangadraft.

Espérance : Il y a aussi des sites destinés à la publication en auto-édition. On poste son oeuvre partiellement et pour lire la suite, il faut payer une contribution. On peut aussi financer des projets comme ça. Facebook c’est le passé et Discord c’est le futur.

Il y aussi Amino pour les dessinateurs. Instagram c’est bien mais il n’y a pas de groupes de dessin comme sur Facebook.

Manu : La seule chose que je regrette sur Discord c’est que si beaucoup de gens postent, le fil de discussion défile très vite. Et on peut perdre beaucoup d’information comme ça.

Espérance : c’est vrai que lorsqu’on poste une image, elle est noyée dans le contenu. C’est pour ça qu’un artiste devrait au moins avoir un site internet bien référencé sur Google.

Bleu : La petite solution que l’on a trouvé sur les réseaux sociaux c’est de poster au moins 2 dessins par jour. Mais encore faut-il être productif.

Espérance : Je ne suis pas forcément très productive mais je préfère la qualité à la quantité. C’est l’excuse que je me suis trouvée !

Avez-vous déjà participé à des projets auto-édités ?

Espérance : Oui, j’ai participé à des fanzines avec des camarades de classe et sur internet. Un thème est défini et ensuite chaque dessinateur par dessiner dans son coin pendant un temps prédéfini. Ensuite, chacun des dessinateurs envoie son dessin et le tout est publié. On discute alors des styles et des interprétations entre nous. C’est très enrichissant.

Bleu : On avait un petit projet avec un pote réunionnais qui était auteur et qui gérait le projet. L’idée était de faire un peu comme le magazine Jump au Japon qui a lancé plein de mangas mais localement. Mais le projet a pataugé. Il a des personnes qui ne sont pas assez rigoureuses hélas.

Apprenez-vous beaucoup de ces projets en auto-édition ?

Espérance : Oui, c’est super important. D’ailleurs les autodidactes sont plein de bienveillance et de bons conseils. Un jour, j’avais dessiné un personnage avec deux mains gauches et je ne l’avais pas vu. Je l’avais posté en plus.

Bleu : J’ai eu la même anecdote. Au collège, je dessinais beaucoup et une bibliothécaire m’avait dit : « Pourquoi cette fille a-t-elle deux doigts en plus ?’. Et voilà, comme quoi ! J’essaye d’être plus attentif maintenant.

Espérance : Pour éviter ce genre de bêtise, on peut utiliser des miroirs ou des mannequins.

Bleu : J’ai un logiciel sympa pour ça. C’est Pose Studio. C’est en japonais mais très facile d’utilisation. On peut vraiment tout faire. D’ailleurs, je crois que Clip Studio Paint propose une fonctionnalité similaire.

Espérance : D’ailleurs j’utilise Clip Studio Paint, il est très bien c’est vrai. D’ailleurs c’est une licence à vie avec des prix assez abordables. On peut faire de l’animation 2D aussi, dessin par dessin. Je l’avais pris parce qu’il est spécialisé dans les planches. Ça fait illustration aussi.

Bleu : Je vais aussi m’acheter ce logiciel. Photoshop est bien mais n’est pas orienté pour le dessin. Sinon, il y a aussi Dragon Bones qui permet de faire de l’animation articulée.

Espérance : On pourra éventuellement partager nos astuces dans des tutos. Chacun d’entre nous a ses propres façons de travailler donc c’est intéressant de partager nos expériences.

Avez-vous d’autres conseils pour rompre avec la routine et la solitude ?

Espérance : Oui, on peut aussi parler du Téléphone Art Game. C’est le principe du téléphone arabe. On lance un thème, la première personne dessine puis retransmet son dessin à la personne suivante et ainsi de suite. Puis, on révèle tous les dessins en rond. Ça montre l’évolution du dessin par les différents styles. Puis on discute des choix pris par chacun d’entre nous. C’est très enrichissant et amusant.

On proposera ça dans notre forum. Ça permet de casser un peu notre solitude de dessinateur !

Bleu : Pour compléter, ça me fait penser à quelque chose que je faisais. C’était des planches vierges et j’invitais pleins d’amis qui devaient remplir les cases suivantes à l’image d’une BD. Ça donnait un résultat assez surprenant.

Espérance : C’est un peu le principe du Canard Exquis. On prend une feuille que l’on plis en 4 dans le sens de la longueur. Chacune des personnes doit dessiner une partie du personnage et cacher cette partie. Puis une autre personne dessine une autre partie, etc. A la fin, on déplie la feuille et on révèle le personnage entier. Le résultat est très sympa ! On voit ça dans des fanzines.

Bleu : On peut aussi dessiner sur une page blanche en live en connexion simultanée avec d’autres dessinateurs pour casser la routine. Et n’hésitez pas aussi d’aller faire un tour sur le groupe Discord : Wizard !

Propos recueillis par Manu.  Merci pour vos conseils et avis. On se retrouve la semaine prochaine !

Retrouvez Bleu sur sa page Facebook : Bax, au sommet du crayon.